s'approcha et sans mot dire, lui posa un baiser | Parsifal / Les frères Karamazov

PARSIFAL 2: Karin Krick (vocals by Rainer Goldberg), KUNDRY: Edith Clever (vocals by Yvonne Minton) Parsifal, Richard Wagner. Director, Screenplay, Production: Hans Jürgen Syberberg

Auch deine Träne ward zum Segenstaue:
du weinest - sieh! es lacht die Aue.

(Er küsst sie sanft auf die Stirne)

PARSIFAL 2: Karin Krick (vocals by Rainer Goldberg),
KUNDRY: Edith Clever (vocals by Yvonne Minton)
Parsifal, Richard Wagner. Director, Screenplay, Production: Hans Jürgen Syberberg

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Livre audio : Les Frères Karamazov. Fédor DOSTOIEVSKI. Texte intégral lu par Pierre-François GAREL - Traduction d'André MARKOWICZ. Editions Thélème

"— Tout est permis, c'est ça ?
Puisque la phrase est dite, je ne la renie pas. Pour ça, c'est toi qui vas me renier.
Aliocha se leva, s'approcha de lui et sans mot dire, lui posa un baiser sur les lèvres.
Vol littéraire, s'écria Ivan. C'est toi qui me l'as volé dans mon poème".

Livre audio : Les Frères Karamazov. Fédor DOSTOIEVSKI.
Texte intégral lu par Pierre-François GAREL
- Traduction d'André MARKOWICZ.
Editions Thélème, 43 h et 44 min. Disponible sur Audible.

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Comment finit ton poème ? reprit-il, les yeux baissés. Est-ce là tout ?

— Non, voilà comment je voulais le terminer : L’inquisiteur se tait, il attend un moment la réponse du Prisonnier. Son silence lui pèse. Le Captif l’a écouté tout le temps en le fixant de son pénétrant et calme regard, visiblement décidé à ne pas lui répondre. Le vieillard voudrait qu’il lui dît quelque chose, fût-ce des paroles amères et terribles. Tout à coup, le Prisonnier s’approche en silence du nonagénaire et baise ses lèvres exsangues. C’est toute la réponse. Le vieillard tressaille, ses lèvres remuent ; il va à la porte, l’ouvre et dit « Va-t’en et ne reviens plus… plus jamais ! » Et il le laisse aller dans les ténèbres de la ville. Le Prisonnier s’en va.

— Et le vieillard ?

— Le baiser lui brûle le cœur, mais il persiste dans son idée.

— Et tu es avec lui, toi aussi ! s’écria amèrement Aliocha.

— Quelle absurdité, Aliocha ! Ce n’est qu’un poème dénué de sens, l’œuvre d’un blanc-bec d’étudiant qui n’a jamais fait de vers. Penses-tu que je veuille me joindre aux Jésuites, à ceux qui ont corrigé son œuvre ? Eh, Seigneur, que m’importe ! je te l’ai déjà dit ; que j’atteigne mes trente ans et puis je briserai ma coupe.

— Et les tendres pousses, les tombes chères, le ciel bleu, la femme aimée ? Comment vivras-tu, quel sera ton amour pour eux ? s’exclama Aliocha avec douleur. Peut-on vivre avec tant d’enfer au cœur et dans la tête ? Oui, tu les rejoindras ; sinon, tu te suicideras, à bout de forces.

— Il y a en moi une force qui résiste à tout ! déclara Ivan avec un froid sourire.

— Laquelle ?

— Celle des Karamazov… la force qu’ils empruntent à leur bassesse.

— Et qui consiste, n’est-ce pas, à se plonger dans la corruption, à pervertir son âme ?

— Cela se pourrait aussi… Peut-être y échapperai-je jusqu’à trente ans, et puis…

— Comment pourras-tu y échapper ? C’est impossible, avec tes idées.

— De nouveau en Karamazov !

— C’est-à-dire que « tout est permis » n’est-ce pas ? »

Ivan fronça le sourcil et pâlit étrangement.

« Ah, tu as saisi au vol ce mot, hier, qui a tant offensé Mioussov… et que Dmitri a répété si naïvement. Soit, « tout est permis » du moment qu’on l’a dit. Je ne me rétracte pas. D’ailleurs, Mitia a assez bien formulé la chose. »

Aliocha le considérait en silence.

« À la veille de partir, frère, je pensais n’avoir que toi au monde ; mais je vois maintenant, mon cher ermite, que, même dans ton cœur, il n’y a plus de place pour moi. Comme je ne renierai pas cette formule que « tout est permis », alors c’est toi qui me renieras, n’est-ce pas ? »

Aliocha vint à lui et le baisa doucement sur les lèvres.

« C’est un plagiat ! s’écria Ivan, soudain exalté, tu as emprunté cela à mon poème. Je te remercie pourtant. Il est temps de partir, Aliocha, pour toi comme pour moi. »

Ils sortirent. Sur le perron, ils s’arrêtèrent.

« Écoute, Aliocha, prononça Ivan d’un ton ferme, si je puis encore aimer les pousses printanières, ce sera grâce à ton souvenir. Il me suffira de savoir que tu es ici, quelque part, pour reprendre goût à la vie. Es-tu content ? Si tu veux, prends ceci pour une déclaration d’amour. À présent, allons chacun de notre côté.

Fédor Dostoïevski, Les Frères Karamazov.  Traduction par Henri Mongault. NRF, 1935 

Le Grand Inquisiteur

Heroine (Character / Fiction)